Initier le mouvement

La matière et l’écriture

Au début, le projet n’est pas très clair.  Il y a le Tamanu, Tahiti et ses îles,  l’océan pacifique, le surf. Un certain rapport à la nature et le sens des éléments. Et donc des matières. Peut-être quelque chose de perdu. A partir de là, explorer.  Provoquer des rencontres. Photographier. Écrire. Et peut-être trouver des pistes.

Flavia est photographe. Elle a un sens très instinctif du subtil. Comme un sixième sens pour ce qui est mais ne saurait se définir. Alors le projet lui va assez bien.  Le « pas très clair » a pour elle une étonnante évidence.

Par qui commencer ? Flavia cherche un peu, pas très longtemps et trouve Anouk Corolleur. Anouk est tout à la fois surfeuse, professeur de yoga et coach en émotionnel. Être à l’écoute de ses ressentis, apprendre à nommer ses émotions pour reconnaître et se libérer d’environnements qui nous empêchent d’avancer.  Commencer par là. Les sensations. Le sixième sens de Flavia.

Elles se rencontrent sur la plage d’Erretegia, près de Biarritz.

Une première rencontre

« Anouk m’attendait en voiture à la boulangerie de la Licorne. Ce matin, le soleil ne perçait pas encore mais la vue offrait cette ouverture que le voyageur guète en arrivant en train. Une anse de verdure, remplie par la mer. On se gare un peu plus loin, et chacune avec une planche, on descend vers la plage. Comme deux amies qui ne se seraient pas vues depuis longtemps, on s’informe sur nos vies, de ce que l’on fait, de là où l’on habite, de ce qui nous plait. En suspendant un peu l’échange, parce que nous savons qu’un moment nous attend ; aussi pour ne pas glisser sur cette roche recouverte d’une fine couche d’argile.

Sur la plage, nous prenons le temps de gouter l’instant, de regarder et sentir la mer. Nous faisons quelques étirements et nous nous asseyons sur un rocher.  Anouk s’exprime avec cette clarté que donne parfois l’habitude d’enseigner, les intonations et les ponctuations d’une voix qui dit autant qu’elle écoute, toujours attentive. »

Anouk évoque son parcours. Son enfance à la montagne, à Chamonix. Le surf. Son père est surfeur. Et puis, ce premier été, comme une révélation à Santa Cruz, dans un « Surf Camp ».  Les études de marketing en Australie et très vite l’échappée belle. Le surf. Bali. L’apprentissage du Yoga.  L’intime conviction qu’il lui appartient de créer l’environnement qui lui permet d’être heureuse. Aujourd’hui, de retour en France, elle aime croiser les disciplines. Les retraites qu’elle organise sont ainsi des moments privilégiés pour approfondir et se laisser surprendre.

Etre créateur

« Le surf permet de mettre le corps en contact avec l’élément naturel mais de façon active. Il nous arrive trop souvent d’être passif et consommateur d’expériences au lieu d’être créateurs et générateurs d’émotions. Lorsque l’on est dans l’eau avec notre planche et qu’on veut en profiter, il faut bouger. Il faut créer son émotion.  Le surf est libérateur. Le simple fait d’aller dans l’eau salée et de mettre la tête sous l’eau, est un acte guérisseur, comme si l’on devenait une nouvelle personne »

Émotion. Déclencher le mouvement. Possiblement renaitre par l’expérience des sens, en contact avec les éléments. Les matières.  Et se laisser guider.

Et apprendre à se laisser guider

Ce jour-là, Anouk a apporté une planche en bois qu’elle a « shapée » en Australie il y a sept ans. 

« Là-bas l’Alaia se surfe beaucoup, en France moins, car les vagues sont moins propices. Cela force à une simplicité du shape, sans ailerons, sans extras, au plus simple possible. C’est assez difficile à surfer car la planche est très fine et coule lorsqu’on la rame, tout comme rester debout est un défi : la planche dérape. C’est très humble comme pratique. Il faut être à l’écoute de ce qu’il se passe sous ses pieds, on n’est pas complètement dans le contrôle de la planche, il faut la laisser faire ce qu’elle veut, intuitivement, être comme passager de la planche. »

C’est formidable cette façon d’être très déterminé dans ses choix, de décider d’agir et, en même temps, d’être très humble, très attentif aux éléments, aux mouvements que nous imprime les choses.

Le projet n’est peut-être pas très clair mais à travers cette rencontre il semble prendre forme. Des rencontres. Prendre son temps. De vrais sourires. De l’écoute. Échanger. Se laisser guider. Apprendre. Et puis partager des parcours, des démarches, Les énergies. 

Quand Anouk s’est mise à l’eau, elle avait le sourire émerveillé et joyeux d’un enfant.  C’est de là que tout commence.

@anoukcorolleur
Interview & photo : @flaviasistiaga